S     A     L     O     U     E

Saloir à viande, mais aussi localement à poissons

Coll Musée ATP Lamballe

Saloué, dit "cul rond". Se calait dans la terre battue du logis. Deux anses (une cassée). Terre brun foncé. Anse cannelée. Ht 30 cm, + anse 37. Diam panse 25 cm. Phot 1912061538-05.

 Coll Musée ATP Lamballe

Saloué, dit "cul rond". Deux anses . Terre orangée. Ht 37 cm. Diam ouverture 10.5 cm. Diam panse 15 cm , + anses 18 cm.

Phot 1912061538-07.


Coll Musée ATP Lamballe

Socle forme diabolo. Traits décoratifs. Terre orangée.

Phot 2001041538-24.

 Coll Musée ATP Lamballe

Socle piédouche, forme presque diabolo. Traits décoratifs. Terre orangée. Phot 2001041538-26.


Coll Musée ATP Lamballe

Socle forme diabolo. Terre grise orangée. Frises décoratives.

Phot 2001041538-25.



Jarres à huile

Jarre de Biot . Coll Musée ATP Lamballe.

Terre cuite montée "à la plaque". Fin XVIIIè/XIXè s. Terre beige clair, Emaillé jaune clair à l'intérieur et autour du col à l'extérieur. Ht 88 cm. Ouverture diam intérieur 36 cm, extérieur 46 cm, le bourrelet du rebord étant percé (pour soulager l'épaisseur à la cuisson). Diam panse env 58 cm. Phot1912061538-02.

 

LA JARRE DE BIOT

 

 

AU MUSEE D'ART POPULAIRE

 

DE LAMBALLE

__________________________

 

Les débuts de l'éclairage public à Lamballe

Coll Musée ATP Lamballe

Terre beige clair. Emaillé brun foncé à l'intérieur et sur le rebord.

Ht 74 cm. ouverture 39 cm extérieur, 30 cm intérieur. Diamètre panse env 42 cm.

Phot 1912061538-04.



 

Le Musée d’art populaire possède dans ses collections deux grandes jarres en terre cuite exposées parmi les poteries locales ce qui laisse à penser qu’elles ont une origine régionale.

La plus grande des deux est présentée dans le guide à l’attention des visiteurs comme un saloir provenant d’une communauté religieuse. Pour preuve, les marques imprimées tout autour du col censées représenter des hosties, témoins d’une commande passée par un couvent par ailleurs non désigné.

 

Cette prétendue preuve ne peut pas en être une car les estampilles gravées sur le col sont en réalité des marques de potier imprimées dans l’argile fraîche avant la cuisson. Toutefois ces marques nous fournissent une précieuse indication sur l’origine de la grande jarre. Elle provient des ateliers de poterie de Biot, aujourd’hui commune des Alpes Maritimes proche d’Antibes, jadis important centre de production spécialisé dans les récipients alimentaires de grande dimension, activité florissante du 16 ème au 19 ème siècle.

 

La seconde, plus petite, enduite intérieurement d’une belle glaçure brune, est sans doute d’origine catalane.

 

 Mais alors pour quelle raison sont-elles arrivées dans le Penthièvre ?

 

 Leur usage en tant que saloir n’est en réalité que leur seconde vie.

 

Elles ne furent pas fabriquées pour conserver la viande dans le sel mais pour exporter à partir du bassin méditerranéen l’huile d’olive dont on faisait grande consommation pour l’éclairage public des villes à partir du 17è siècle dans toute l’Europe occidentale.

 

A cette époque, les édiles en charge de la sécurité des villes ont cherché des solutions pour mettre en place un système d’éclairage nocturne des voies publiques afin de faciliter la circulation de nuit et décourager les malfaiteurs qui profitaient de l’obscurité pour accomplir leurs forfaits.

 

Lamballe fut concernée par cette préoccupation. Dutemple nous précise au sujet des halles au centre de la ville : «c’était, disait le procureur fiscal en 1765, le refuge des vagabonds et des libertins, tous les coureurs de nuit s’y attroupaient, attaquaient les passants et commettaient des dégâts et des désordres de toutes sortes.» (1)

 

Vingt ans plus tard, la décision est prise par la communauté d’acquérir un certain nombre de réverbères avec poteaux, cordages et poulies, projet financé par une collecte auprès des habitants, ne restant à la charge de la communauté que l’entretien, l’achat de l’huile et les appointements de l’homme préposé à ce service.

 

 «D’après les calculs faits par comparaison avec d’autres villes proches déjà pourvues de ce mode d‘éclairage, on considère que l’on pouvait éclairer la ville pour 400 livres par an et qu’il suffisait de 14 réverbères qui seraient allumés du 1er octobre au 31 mars, qu’ils brûleraient pendant cinq heures à l’exception des jours ou la lune éclaire.

 

Dans ces conditions, le prix de revient de l’huile pourrait se monter à 315 livres, l’homme chargé d’allumer et de nettoyer les réverbères serait payé 10 sols par jour, soit 25 livres à l’année.»(2)

 

Il nous reste à établir par quel chemin cette huile d’éclairage nous parvenait des rivages lointains du bassin méditerranéen. Il faut sans doute tourner nos regards vers le grand port commerçant des côtes nord de Bretagne, Saint Malo, avec lequel les barques de Dahouët sont en rapport permanent.

 

Le blé, le bois, le fer de Suède, la chaux de Régneville cohabitent dans les soutes avec les peaux de moutons destinées aux tanneurs lamballais et l’indispensable linette, la graine de lin en provenance de Zélande. Mais nous trouvons aussi dans la longue liste des marchandises transportées de ports en ports «l’huile importée à Saint Malo depuis la Méditerranée et ramenée à Dahouët en retour comme lors de ce voyage du Saint Esprit, maître Jean Haudrère, en novembre 1776 avec une cargaison de planche et d’huile, ou encore celui de François Haudrère maître du Jean, qui débarque en avril 1740 de l’huile et des peaux de moutons.» (3)

 

C’est ainsi que par l’intermédiaire du cabotage, notre jarre de Biot parmi bien d’autres, est remontée de Marseille chargée d’huile dans les cales d’un bateau malouin puis dans celle d’une barque de Dahouët pour parvenir enfin à Lamballe assurer l’éclairage nocturne et la sécurité publique. Une fois vidée de son contenu, elle aura été réutilisée par une communauté locale intéressée d’en faire un nouvel usage suivant en cela le destin habituel des récipients alimentaires sans cesse réemployés à une époque ou rien n’était perdu.

 

En l’absence dans nos inventaires de références plus précises, impossible de dire où elle fut retrouvée et par qui elle fut acquise.

 

Venait-elle du couvent des Augustins ou des Ursulines ?

 

Quant à l’éclairage public par réverbères à huile, il disparaît à la fin du 19è siècle avec la banalisation de l’éclairage au gaz (gaz d’hydrogène-procédé Lebon) lui-même supplanté de nos jours par l’éclairage électrique.

 

 

Je remercie Jean Marie Giorgio de la poterie du Cabassou à Rasiguères pour nous avoir indiqué l’origine de ces deux jarres.

                              

                                                                                                                                           Noël BROUARD - Juillet 2024

 

 

 (1) Abbé C. Dutemple "Histoire de Lamballe" tome second - La vie municipale p.358 Guyon Editeur 1925

 (2) C.J.B. Quernest "Notions historiques et archéologiques sur la ville de Lamballe" imprim. Guyon 1887 p.93 ; registres de la communauté 7 avril 1788.

 (3) J.H. Clément ; "Dahouët, port de commerce du Penthièvre" p.141. Edition Hormé 2020.